Un beau cas clinique !
Généralement quand les médecins parlent de vous en ces termes, il faut s'inquiéter ...
Le génie de Roger Keith Barrett, compositeur, musicien, peintre et poète ne fait aucun doute.
Le diagnostic de schizophrénie atypique révélée et aggravée par les psycho-analeptiques est le plus probable, même si sa famille hyper protectrice a longtemps caché le diagnostic, les hospitalisations et le traitement suivi depuis 1970.
Né à Cambridge en 1946 dans une famille nombreuse (5 enfants) a hérité de son père la passion pour la musique, ce père qui meurt d'un cancer quand il a 16 ans.
Il en est lourdement traumatisé, ce que confirme la lecture de son carnet intime qu'il tient depuis ses 11 ans. Sa confidente est sa très proche soeur Rosemary.
Premier signe d'alerte, une période de phobie scolaire.
Ce sont ses amis (dont plus tard un certain Roger Waters) qui le surnomment Syd vers l'âge de 14 ans, en hommage à Sid Barrett membre d'un groupe de jazz local.
Sa mère l'encourage dans la voie musicale où il s'épanouit, facilitant la formation et les répétitions chez elle du groupe "The Mottoes" (avec Geoff Mott, Roger Waters à la basse, Clive Welham à la batterie).
En Ecole d'Art à Cambridge (1962), il participe à des jam sessions, rejouant les morceaux des Stones ... avec David Gilmour et toujours Roger Waters
C'est quelqu'un de très agréable, ouvert, hyperactif, détestant l'ennui et l'inactivité, peintre et musicien qui s'acharne sur sa première guitare Selmer Futurama III achetée pour 25 livres.
Il consomme dès 16 ans alcool, cigarette et hashish et probablement aussi les filles. Il commence à composer. Il est beau et brillant dans ses études et flirte avec une amie de Gilmour, une jolie brune du nom Libby Gaudsen.
Libby raconte que ses trois ans avec Syd ont été compliqués, sa jalousie, son humour vache, ses périodes de bouderie n'étaient pas facile à vivre. D'autant plus que sa façon d'être, son habillement atypique, sa grosse tignasse qui s'allongeait, l'isolent d'un monde "normal" qui ne l'intéresse pas, lui véritable éponge qui se nourrit d'art et de musique
A noter la rencontre dans son école d'Art avec Storm Thorgersson, futur fondateur de la société Hipgnosis et concepteur des pochettes de Syd et des Floyd.
Il change de petite amie en 1961, Jenny Spires le rencontre alors qu'il joue dans un autre groupe "Those Without".
Son départ à Londres en 64, rend sa relation avec Jenny difficile. Il rejoint une sous location dans laquelle réside déjà Roger Waters et Nick Mason.
Le groupe formé par le guitariste Bob Klose est transformé par l'arrivée de Syd qui ouvre leurs horizons à la débutante musique psychédélique de la côte Ouest des USA. Il importe aussi la culture qui va avec , dont le recours au LSD et amphétamines (STP) qui boostent sa créativité.
C'est Syd qui propose après divers essais de nom de groupe, celui de Pink Floyd Sound, puis Pink Floyd en référence à deux musiciens méconnus de Blues.
Bob Klose quitte le groupe, qui devient plus étrange dans son show maintenant couplé à des effets de lumières. Rick Wright les rejoint au claviers. Le groupe mythique est formé et Syd compose tout.
La réussite du groupe underground psychédélique dès 1965 permets à Syd de quitter l'école d'Art qui ne le reverra plus. Il commence à présenter des crises d'isolement contemplatif.
En 1966, à fond dans la contre culture, les expériences de défonce, c'est en écoutant "My Little Redbook" morceau de Love que Syd transformant le riff va créer "Interstellar Overdrive". Il cartonnent avec au UFO Club en quittant la musique pop dansante pour le rêve psychédélique. Il innove en triturant de manière surprenante et inédite les sons, comme dans Bike et son étrange fin distordue.
Jenny le quitte et il rencontre Lindsay Korner au supermarché, avec qui il s'installe avec toute la bande dans un nouvel appartement. Ils tournent beaucoup, 4 à 5 concerts semaine.
Leurs managers Andrew King et Peter Jenner leur font enregistrer une maquette qui les fait signer chez EMI en février 1967.
Et pendant que dans le studio voisin les Beatles enregistrent Sergent Pepper, eux débutent l'enregistrement de "The Piper At The Gates Of Dawn".
Le premier titre "Arnold Lane" sort en single en mars 1967. Les deux sont un succès et les concerts se multiplient.
En mai 67 , il écrit "See Emily Play" en utilisant son briquet Zippo pour des slides sur sa guitare Stratocaster. Le single est un tube qui les conduit à passer à Top Of The Pops.
Mais cette exposition répétitive lasse, Syd qui sombre, déprime, mets de la mauvaise volonté puis refuse de jouer pour cette émission.
Syd refuse la contrainte, la répétitivité, de réduire son son à une commerciale pop. Sa participation aux concerts devient cahotique.
Une courte période de repos du groupe en Espagne ne change rien.
Quand Gimour le revoit (il revient de Paris) en 67 pour l'enregistrement de See Emily Play aux Studios Chelsea , il est choqué. Syd a changé, le regard perdu, parfois confus. Il semble à côté des autres, enfermé dans sa créativité , triturant sa guitare, la désaccordant, jouant avec ses deux chambres d'écho. ne semblant pas s'intéresser au son des autres. Seul Roger Waters semblait pouvoir le tirer vers le réel et le groupe.
Sa soeur Rosemary dira, "mon frère Roger avait disparu, ne restait que Syd".
"Vegetable Man" reflète sa souffrance terrifiante.
- Dans mes chaussures jaunes, j'ai le blues.
- Marchant dans la rue avec mon pied en plastique
- Dans mon pantalon de velours bleu, je me sens rose.
- Il y a une sorte de puanteur liée aux pantalons bleus.
- Dans mon chandail en cachemire, j'ai l'air d'un con
- et mon perfecto turquoise n'est plus à la mode.
- Mais, oh ma coupe est tellement unique, Homme légume où est tu ?
- Alors je me change, et je découvre mes genoux, je me recouvre de la dernière coupe.
- J'achète mes chaussettes en lots, c'est facile d'acheter des chaussettes en nylon.
- Et la montre, ma montre, une montre noire, avec le devant noir et la date dans un petit coin.
- Et cet ensemble est tout ce que je possède.
- C'est ce que je porte, ce que tu vois, ça doit être moi, c'est ce que je suis.
- Homme légume où es tu ?
- Ah ah ah, j'ai cherché partout dans cet endroit une place pour moi,
- Mais elle est nulle part, il n'y en a pas pour l'homme légume
Mais EMI préfère l'insipide Apples And Oranges qui est un flop.
Syd est triste, ne s'amuse plus, s'isole et pourtant participe à la mini tournée aux USA.
Possiblement il en profite pour tester d'autres drogues.
Parfois bon, souvent mauvais, ses performances sont variables. Ses apparitions télévisées sont calamiteuses. La tournée est abrégée
Revenus en Angleterre, Syd voit un psychiatre, mais le suivi et les médicaments ne semblent pas avoir de prise sur sa déchéance et sa désocialisation.
Syd devient ingérable en concert, et le groupe pense tenir la solution en passant à cinq avec l'arrivée de David Gilmour. Mais c'est un échec.
Et la proposition de Roger que Syd ne fasse qu'écrire les chansons et Pink Floyd les jouer fait un flop.
D'ailleurs en 68, le deuxième album "A Sauceful Of Secrets" ne retient qu'un seul titre de Syd "Jugband Blues"
Et Pink Floyd, repasse à quatre, mais sans Syd, que finalement ils ne viennent plus chercher pour un concert, puis pour tous les suivants, on est en janvier 1968.
Syd a dit à sa soeur qu'il était soulagé de cette séparation.
Syd emménage au centre de Londres avec Lindsay Corner. Elle le décrit instable, parfois catatonique, parfois agressif avec elle (il la frappe avec une mandoline). Il peint beaucoup. Il a des crises d'agitation qui alternent avec de l'abattement ou de la contemplation.
Son ami Storm essaye de calmer la situation en les prenant chez lui, mais c'est un échec et Linsay s'en va.
Sous Mandrax, il délire lors d'un voyage en voiture autour du pays et est hospitalisé en psychiatrie à Cambridge pour un sevrage, officiellement pour un problème cardiaque..
Il retourne vivre seul, dans un appartement qui deviens un taudis.
Encouragé par ses managers qui l'ont suivi et le stimulent, Syd continue de créer de la musique, il enregistre une maquette avec David et Roger qui est approuvée par EMI.
Mais la genèse de son album est difficile, même si la majorité des morceaux sont de vieilles compositions et c'est finalement David et Roger qui l'enferment dans le studio pour finir "The Madcap Laughs".
Hipgnosis réalise la pochette, Storm photographiant Syd dans son appartement dont il a repeint le sol en bandes bleues et rouges, incluant un passage la sihouette nue de Iggy The Eskimo qui séjournait là.
L'album publié par Harvest début 1970 est une réussite et EMI valide un deuxième album.
Le deuxième album "Barrett" est aussi de production délicate, le groupe augmenté de Jerry Shirley (Humble Pie) et parfois de Soft Machine proposant des bandes d'accompagnement, et on enregistrait ensuite la ou les propositions de Syd, parfois géniales , parfois catastrophiques.
Cela explique certains arrangements si particuliers et toujours ces paroles étranges.
L'album sorti en novembre 70 est un échec. C'est le dernier album de Syd.
En 1970, pendant une courte tentative de promotion de ses deux albums, il interrompt sans explication sa session d'enregistrement pour John Peel et disparaît à jamais de son propre monde musical.
Il sort avec Gayla Pinion, lui disant je ne veux pas être une pop star, et s'enferme dans sa peinture, produisant beaucoup, mais détruisant presque tout. Il veut redevenir Roger.
De retour à Cambridge avec Gayla, il veut se fiancer, puis la congédie brutalement puis veut de nouveau se fiancer avant de la rejeter. Ce sera sa dernière compagne.
Il retourne à Londres et s'isole, fait parfois les titres de la presse people, et dépense ses droits d'auteurs améliorés par la reprise de Bowie sur "Pin Ups", retournant souvent à Cambridge dan son ancienne chambre chez sa mère..
Le groupe "Stars" est transitoirement formé, avec Jack Monck (basse) et Twink (batterie) à Cambridge en 72, mais seulement de rares concerts et c'est un échec sans lendemains.
En 1974, Peter Jenner, un des anciens manager tente de faire réenregistrer Syd, mais c'est trop dépourvu d'intérêt et rapidement stoppé.
En 75, Wish You Were Here est dédié à Syd par le Pink Floyd.
Syd ferra une apparition dans les Studios d' Abbey Road, méconnaissable.
Ce sera la dernière fois qu'ils le verront.
Car Syd retourne à sa solitude Londonienne, à sa mort artistique.
En 1982, il prend quelques objets et rentre à pied chez sa mère à Cambridge (80 kilomètres).
Là, il vit reclu, peinture, poésie et fabriquant des meubles.
Il se protège de Syd, se laissant souvent guider et gérer comme le petit Roger.
Sa soeur le protège de la presse et des voisins inquiets , disant qu'il n'a pas de maladie mentale, juste besoin de solitude, de calme pour écrire et peindre, prendre des photos de ses toiles avant la plupart du temps de les détruire. Il n'écoute plus que du jazz. On l'aperçoit parfois sur son vélo, refusant tout contact avec son ancien public.
Il a encore du être hospitalisé pour une crise clastique, cassant tout, mais est rapidement ressorti de psychiatrie.
Il meurt d'un cancer du pancréas en 2006.
Aucun membre du Floyd n'est aux obsèques.
Triste fin de la légende Syd et mort du peintre Roger
Syd Barrett : The Madcap Laughs / 1970
- Terrapin
- No Good Trying
- Love You
- No Man's Land
- Dark Globe
- Here I Go
- Octopus
- Golden hair
- Long Gone
- She Took A Long Cool Look
- Feel
- If It's In You
- Late Night
- Octopus (Takes 1 & 2) / Bonus
- No Good Trying (Take 5) / Bonus
- Love You (Take 1 ) / Bonus
- Love You (Take 3) / Bonus
- She Took A Long Cool Look (Take 4) / Bonus
- Golden Hair (Take 5) / Bonus
Syd Barrett : Barrett / 1970 (Remastered 2010)
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- Baby Lemonade
- Love Song
- Dominoes
- It Is Obvious
- rats
- Maisie
- Gigolo Aunt
- Wawing My Arms In The Air
- I Never Lied To You
- Wined And Dined
- Wolf Pack
- Effervescing Elephant
- Baby Lemonade (Take 1) / Bonus
- Wawing My Arms In The Air (Take 1) / Bonus
- I Never Lied To You (Take 1) / Bonus
- Love Song (Take 1) / Bonus
- Dominoes (Take 1) / Bonus
- Dominoes 5take 2) / Bonus
- It's Obvious (Take 2) / Bonus
Sorgual
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oui, quelle sombre histoire...
RépondreSupprimerquelle triste (ir)éalité qui fait honorablement bien réfléchir...
Syd hante encore et à jamais le floyd, de son vivant, puis depuis sa mort.
certainement l'un des cas les plus étranges et fantômatiques de l'âme du rock...
bien relaté.
thx
Comprendre ses errances, son parcours, me l'a rendu plus proche et amical.
RépondreSupprimerUn autre groupe à partir d'Atom. Même Saucerful garde encore l'âme fauve de Syd. Fleetwood Mac aussi aurait pu changer 3 fois de nom (Peter Green aussi est devenu fou). Le doc ARTE sur Syd est sublime, tous ces artistes qui ont gravité autour du mythe. Quand on découvre le Floyd gamain avec le mur et qu'on explore les débuts, on pige rien, comme moi en 1980. Des années plus tard, j’achète la compile "OPEL" et je craque. Quelle chason !! la collection d'accords, l'incarnation, l'exploration, la douleur dans l'extase. La beauté pure. On peut pas reprocher quoique ce soit aux 4 autres, ils ont beaucoup tenté, surtout David (les 2 albums de Syd), c'était des bosseurs, la grosse machine lancée en ayant côtoyé la lumière.
RépondreSupprimerMoins de mal que toi car mes deux premiers achats d'eux étaient More et A Sauceful Of Secrets. Après le voyage en arrière vers The Piper n'a pas été pour autant très facile.
RépondreSupprimerJ'ai peur d'une pensée injuste. Si je mets de côté la tragédie qui ne me laisse pas indifférent, reste les chansons solos de Syd, elles, elles me laissent indifférent souvent, m’énervent parfois « Octopus »…. Ma pensée injuste : sans le passé Floyd et le drame à suivre aurions nous / auriez vous qualifié ses chansons de perles poétiques et fragiles ? J’ai moins de mal avec le même dénuement chez Daniel Johnston. Un autre effort récompensé avec à priori la même difficulté d’écoute l’album OAR de Alexander « Skip » Spence, peu produit, hésitant mais poignant. Syd Barret je n’y suis jamais arrivé. J’ai cité les autres artistes pour me démontrer que j’avais moi aussi un petit cœur sensible… pas toujours
RépondreSupprimerOn a tous nos blocages incompréhensibles, et heureusement que l'on ne pense pas tous pareil ...cela me fait penser au livre d'Ira Levin "Un bonheur insoutenable " où le héros au yeux veyrons est déjà particulier dans cet univers standardisé à l'étouffement.
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