dimanche 12 octobre 2025

Histoire d'Assimilation

Sa vraie musique ? 

La période dite de Rock Progressif dans la carrière de Nino Ferrer commence avec "Rats And Roll" en 1970 et se termine avec "Ex-Libris" en 1982. Cette nouvelle musique savante est d'inspiration Européenne, bouscule les codes, s'éloignant du blues et du rock n' roll anglo américain, transgressant les codes de la variété et de son mercantilisme.


Agostino Arturo Ferrari né en 1934 à Gênes est le fils d'un bourgeois local et d'une mère française (dite Mounette) d''origine modeste venant de Nouvelle Calédonie.

 

Nino , diminutif d'Agostino, arrive en France en 1939, la famille ne se doutant pas de l'arrivée de la guerre. Quand Mussolini entre en guerre contre la France en 1940,  la famille décide de rejoindre l'Italie dans le Piémont. C'est sa mère qui lui fait l'école à la maison. Il devient un solitaire, curieux d'art et de nature, il découvre les chanteurs de variété et l'Opéra italien.

En 1947, la famille est de retour en France mais son père a du mal à trouver du travail. 

Il part en pension chez les jésuites, subissant le racisme envers "le Rital". Il commence à peindre, écrire des poèmes (dont "l'arbre noir"), compose ses premières chansons en écoutant du jazz à la radio. 

Son premier achat est un 45 tours d'Yvonne Blanc "Train bleu" par la "meilleure pianiste de jazz" de l'époque d'après guerre.

Il s'initie en les louant aux instruments à vent (clarinette, trompette et trombone) ainsi qu'au banjo. Il adore improviser. Eclectique, il écoute de tout de Mozart, Brassens à Armstrong, et se passionne pour le naissant Rhythm And Blues, puis la Bossa Nova.

 

En 1953, étudiant à la Sorbonne, il rencontre Richard Bennett qui lui propose de former un groupe de jazz, lui au banjo où à la contrebasse, Richard à la batterie, avec un de ses cousins Stéphane Guérault à la clarinette...  Petit succès pour le groupe qui se fait appeler "Dixie Cats".

Sa première histoire d'amour passionnée avec Claire , cette année là, le déstabilise totalement et à la rupture, il pense au suicide où à la légion étrangère !

Finalement, il rentre dans le rang, Faculté de Lettre à la Sorbonne se spécialisant en Ethnologie et Histoire des Religions, groupe de Théâtre Universitaire, et continue avec le Dixie Cats , jouant même à la salle Wagram après avoir gagné un concours de Jazz Mag.

 

Un super 45 tours est enregistré avec le trompettiste américain Bill Coleman en 59. Toujours à la contrebasse, crédité de son nom Nino Ferrari, il enregistre encore trois autres albums de jazz.

 

Il débute un partiel tour du monde en bateau pour aller voir sa famille en Nouvelle Calédonie. 

De retour en Métropole en 1960, sans emploi, il se tourne vers la musique à plein temps. Il prend de plein fouet le choc de la Pop culture, continue d'écrire des chansons sans penser devenir chanteur, et poursuit ses concerts avec les Dixie Cats dont le succès périclite, sous l'assaut de la vague Yéyé..

Ils changent de nom, "Richard Bennett Rhythm N' Blues" et de style, passant en première partie des Chaussettes Noires en 61, puis de Ray Charles dans un festival de Jazz.

 

 

Nino abandonne la contrebasse pour la basse Fender.  Cela change, lui qui ne sait pas lire la musique, sa façon de jouer et de composer. Sorti de son groupe de jazz , il s'essaye dans plusieurs formations, pour finalement retourner dans les Dixie Cats reformés pour accompagner Nancy Holloway.


C'est elle qui lui demande parfois de chanter, ce qui attire sur lui le regard de toutes les jeunes filles, sur la scène du Golf Drouot. En 63, après le succès de "T"en vas pas comme ça", la chanteuse les remercie et change de groupe.


 

Ferrer vivote, écrit pour les autres, puis signe chez le label Bel Air  son premier 45 tours sous le nom de Ferrer en 1963, accompagné par Jacques Loussier. 

 


En dépit de la faillite du label, "Un an d'amour (C'est irréparable)" connaît un succès inattendu hors de France (Liban, Turquie, Egypte) qui le conduit à enregistrer une version Italienne, en 1964, une des meilleures ventes de 1965 en Italie.

C'est en fait par les reprises dont celle de Dalida, que le titre fait son retour en France, comme  pour son deuxième EP, "Pour oublier qu'on s'est aimé" repris par Nicoletta. 

Barclay vient le chercher pour son label Rivira en 1964, et sort son troisième EP, "Promesse tenue". 

 

Aucun succès, menacé de rupture de contrat, il crée pour son producteur Léo Missir qui vient de perdre son chien, improvisant le titre "Mirza". 

Le 45 tours enregistré est un franc succès surtout après son passage télévisé en décembre 1965. 


Le show biz le catalogue chanteur rigolo et matraque les suivants "Les cornichons", "le telefon", au grand dam de son auteur qui trouve ces titres musicalement et techniquement épouvantables. 

Il essaye pourtant de transposer en français la soul et le rhythm and blues, comme dans "Oh ! Hé ! Hein ! Bon !"de 66. 

Mais les titres sérieux sont négligés.

Il réussit à enregistrer "Enregistrement Public" en 66,  avec "Je veux être noir".


 

En 1968, le Yéyé perd de sa superbe au profit du rock progressif et de la chanson contestataire portée par le sulfureux moi de Mai. Il achète sa maison de Rueil-Malmaison et peu apprécié des voisins en raison de fréquentes fêtes y accroche la banderole "Ici je suis chez moi, je reçois des nègres, des putes, des juifs, des drogués et je vous emmerde". 

Il obtient son premier grand rôle dans un film "Un été sauvage"  où il chante "La rue Madureira".


 

En pause des tournées, il prend un virage musical plus radical dès les années 70 et se tourne vers le rock progressif qu'il a entendu lors de son long séjour en Italie. Il perd son côté commercial en dépit de deux magnifiques icebergs : La maison près de la fontaine en 71 , et Le Sud en 75.

Après une courte aventure avec Brigitte Bardot, il reprend d'anciens titres en Italien pour en revenant en France les transposer et les transformer  pour deux albums " Rats And Roll's" puis surtout le très conceptuel "Métronomy".

 

"Rats And Rolls" en 1970  

Enregistré en public au Teatro Sistina de Rome, il n'a été publié qu' à 1000 exemplaires, le titre "Povero Christo" étant interdit par le Vatican !

Le groupe est composé en dehors de Nino de Giorgio Giombolini (orgue), Santino Roccheti (guitare), Tassilo Burckard (batterie) et Albino Cimini( basse).

Il procède surtout sur un versant psychédélique avec de longues séquences improvisées sur un fond de blues et de petites touches latino. Le propos est clairement revendicateur chanté en Italien. Il y a aussi ce petit versant jazzy comme sur le sublime "Ol' man River". 


Un petit lien ? 

Presque tous les morceaux seront repris et améliorés sur "Métronomy".

 

"Métronomy" est conçu et enregistré entre mai et novembre 1971 au studio CBE et prend en pochette une toile de Claude Verlinde achetée en 70 par Nino.


Il s'entoure de Bernard Estardy (claviers), Giorgio Giombolini (orgue), Slim Pezin (guitare), Alan Reeves (claviers), Pierre Dutour (trompette), Jean Mandengué (basse), Lucien Dobat (batterie), Donald Rieubon (batterie), Sam Kelly (percussions). 

On entend l'influence des collages à la Doors ou Pink Floyd et des ballades psychédéliques aux traces jazzy. Cet album concept autour de la décadence de la société moderne est sans doute son oeuvre la plus sincère, la plus proche de lui. On devrait plus parler de musique fusion à la Zappa que de rock progressif, car l'art de Ferrer est bien de fusionner les genres en prenant les codes débutant de l'époque progressive avec cette longue suite sur la face A. 

Un petit lien ?

 

Le disque est un échec compensé par la sortie en 72 du single "La maison près de la fontaine".

La suite demain.

Sorgual 

 

1 commentaire:

  1. J'avais oublié que c'était un bon album. Tellement que je m'apprêtais à t'écrire le contraire. Mais je décide d'y retourner, déjà **** pour CANABIS et METRONOMIE la "chanson" - terme pas adapté - est bien enlevé. En + un gros tube!! La malchance à ce point, pas le bon circuit de distribution? Pas les bons contacts? Curieux de savoir comment il a été chroniqué par R&F ou Best

    RépondreSupprimer