Objet musical non identifié ?
Tout est dans le titre, Le Orme voulait "autre chose" et "autrement" : Contrappunti
Au sortir de la glorification de ses deux ou trois derniers albums de rock progressif (voir mes deux posts précédents sur le groupe), en 1974 le trio Vénitien prend ses fans à contrepied dans la foulée de la sortie de leur album Live.
.
On entre ici dans de la musique savante, mélange de baroque, de folie des claviers parfois classique et parfois digne d'Emerson Lake & Palmer, des ruptures de rythme, des ambiances sonores parfois dissonantes , et toujours cette voix particulière.
Voilà un disque qui demande de l'écoute, des écoutes ...
Le groupe est inchangé :
- Aldo Tagliapietra : guitare, basse, voix
- Toni Pagliuca : claviers
- Michi Dei Rossi : batterie et percussions
avec en invité au piano : Gian Pietro Reverberi (qui est aussi le producteur de l'album)
Quel album !
- "Contrappunti" est un instrumental avec un impressionnant duel de claviers entre orgue et piano qui prend avec les percussions un aspect de marche qui décolle brusquement vers un orgue-asthme explosif soutenu par la batterie puis l'apaisement onirique, la reprise d'une folle complexité, pas assez d'oreilles pour tout assimiler ...
- "Frutto Acerbo" est une reposante ballade qui mets en avant la voix de Tagliapietra tenue par les arpèges du piano et de la guitare sèche.
- "Aliante" est un morceau de transition, étrange voyage cosmique très inspiré de Krautrock.
- "India" est un réel morceau de rock progressif, spatial, aux sonorités étranges, portées par la voix très terrienne qui tranche sur le fond sonore.
- "La Fabbricante D' Angeli" est un morceau complexe, symphonique, lyrique avec ce magique piano, et le contraste des percussions.
- "Notturno" est presque classique, une étude pour piano et orchestre.
- "Maggio" est un peu la synthèse de tous les morceaux précédents, avec des envolées et des ruptures d'où les claviers Emersoniens dominent, mais aussi parfois des dissonances pas toujours opportunes qui apparaissent aujourd'hui un peu datées.
Ce disque déroutant est considéré par certains comme le meilleur du groupe, par d'autres comme le début de la fin et certainement pas comme du rock progressif !
Difficile en fait de trancher. Pour moi, cela reste du rock progressif trempé dans un chaudron de classique symphonique et assaisonné d'expérimental.
Je suis curieux de savoir ce que pourrait en penser Pascal en tant que musicien claviériste et percussionniste, un album centré principalement sur ces deux axes.
Le Orme : Contrappunti / 1974
- Contrappunti
- Frutto Acerbo
- Aliante
- India
- La Fabriccante D' Angeli
- Notturno
- Maggio
Sorgual




J’adore ces matinées où j’ai les oreilles fraiches, j’ai l’impression de tout comprendre, tout aimer, probablement que je perds mon sens critique mais c’est vraiment jubilatoire. Après Rosalia qui m’a bien ému, voici un album plus ouvert que ce que le premier titre semblait raconter, j’ai cru à une esbrouffe excitante à la Emerson Lake & Palmer, mais dès le deuxième titre revient cette écriture comme je l’aime. « La Fabbricante D' Angeli » se souvenir que l’Italie c’est aussi le pays de la mélodie, le tout bascule dans l’intemporel avec le son vintage qui trouve sa place.
RépondreSupprimerJe comprends pourquoi tu as invité Pascal à une écoute et déjà merci du commentaire par titre, je signe.
Enfin « Maggio » je rejoins tes réflexions et j’insiste sur « envolée » et même des moments de libérations musicale qui me rendent euphoriques (à partir de 2m18 du début) un thème repris ensuite jusqu’à ce que l’on grimpe au plafond….
Et merde, l’Italien, pourquoi j’ai pris l’allemand en première langue… pfff
J’attends la partie PG ensuite j’archive ton papier avec le disque que j’avais pris toujours sur les conseil de Aymeric Leroy. Mais c’est tes passages qui finalement ont emporté le morceau de temps d’écoute !!
J'ai trouvé un de leurs vinyles à la bourse aux disques de la semaine dernière, mais bon ... 39 E et j'ai préféré en acheter trois autres pour 35 E, une pointe de regret ...
RépondreSupprimerQuel magnifique album !
RépondreSupprimerJe vais essayer de na pas m'engluer dans les comparaisons, car forcément au regard des claviers on va de suite penser Keith Emerson et parfois Tony Banks.
Mais je pense qu'il faut arrêter là ce type de références qui sont en fait logiques dans le style prog' avec les tenants du titre anglais.
En fait le prog' est généralement une affaire de pianistes claviéristes et qui dit pianistes claviéristes, en Europe, dit musiciens éduqués au classique, au symphonique, etc. qui ont bossé dans leur études au conservatoire ou en cours particuliers des pièces du "répertoire". Et qui connaissent leur solfège.
Aussi, une fois devant leurs touches noires et blanches ils ne vont pas chercher des accords de jazz ou de blues, non.
Ils vont tout simplement jouer les usages des pièces classiques qu'ils ont dans les doigts.
Plus ils seront allés loin dans ces études, plus le mimétisme, en quelque sorte, sera important et plus l'axe créatif ira vers des données culturelles classiques vastes.
Emerson a beaucoup été influencé par l'école russe, normal, à cette époque les examens pour étudiants en piano en Angleterre avaient des pièces de ce répertoire, aussi Tarkus est très Stravinsky, voire Prokofiev. Sans parler de la musique contemporaine qui était au menu (influençant également Rick Wright chez Floyd, particulièrement lisible à PompeÏ).
suite
RépondreSupprimerIci on est face à un groupe vénitien et un album qui parle de contrepoint, le style contapuntique qui précéda l'écriture harmonique repose sur l'enchevêtrement de mélodies (il a été porté au paroxysme par J.S Bach avec son art de la fugue).
La complexité que l'on entend ici souligne cette influence et fusion musicale entre une musique symphonique très marquée issue du début du XXe siècle et une mise en écriture contrapuntique où par exemple Vivaldi pourrait être un sous entendu.
L'école baroque italienne a été l'un des plus riches, aussi des vénitiens ne peuvent renier ni même simplement oublier, surtout dans une telle conception musicale, de s'y référer.
J'ai même lu qu'il fallait prendre ici le mot contrepoint également dans la forme générale de l'album et la présentation des morceaux organisés en suite comme à l'époque du contrepoint. Vu le degré culturel de ce qui est présenté ici c'est plus que probable.
On est donc face à une musique de pianistes, créée pour et par ces instruments avec des rôles qu'il m'est parfois arrivé d'assumer, à savoir un-e pianiste avec ce seul rôle et souvent j'assurais en second clavier les écriture symphoniques, orchestrales, etc... un rôle génial mais qui impose une rigidité de lecture et d'écriture, autrement dit jouer texto la partition afin de "remplacer" un orchestre symphonique, les sons de claviers actuels en particulier de synthèse FM permettant aisément ces illusions sonores).
C'est le cas ici, tout est strictement écrit, comme en classique.
Je n'irais pas pour autant dire les choses de façon méprisante et crétinisante telle que les dit Manœuvre pour qui le prog : "c'est juste du classique joué avec des gros amplis..."
Il fait partie de ces critiques qui ont causé la mort du genre et à ce titre je lui voue un mépris des plus sincères, voilà c'est dit.
En ce qui concerne la batterie, c'est exactement le même principe, beaucoup de ces batteurs du prog' furent des élèves des classes de percussions. Ils possèdent une technique imparable issue en général des études en premier lieu du tambour, ce qui leur donne une dextérité dans les roulements qui est très reconnaissable (cf Carl Palmer - archétype du genre mais aussi chez nous Pierre Moerlen qui repris le flambeau de Gong) mais aussi un jeu écrit qui soutient à la perfection les pièces symphoniques telles qu'ici. Ils ont aussi étudié les claviers (xylos, vibras et autres marimbas, celesta, glockenspiel, la liste est longue) sans parler du kiff que consiste à jouer des timbales...
Autrement dit le jeu de batterie en prog écriture claviers est totalement complémentaire de l'écriture et il en épouse chaque recoin à tel point que, à part dans les chansons où la batterie reprend son jeu fonctionnel, dans les pièces instrumentales, généralement, le rôle de batteur n'est plus tant de tenir le rythme mais bien d'être un instrument au même degré que les autres, sortant de sa fonction d'accompagnateur. C'est encore plus flagrant avec le degré technique affiché en Métal Prog.
Le Orme a aussi fait débat politique, ai-je lu, de par des positions dans cet album qui l'ont ciblé sous un éclairage qui a forcément fait scission.
C'est à souligner car en général le prog' est rarement allé titiller les plates bandes du vindicatif et de l'engagement politique. Eux l'ont fait, carrément ou en sous entendus poétiques à décrypter.
En France, dans ces années là, jamais, mais absolument jamais entendu parler de Le Orme.
Pourtant j'avais une amie italienne qui me faisait découvrir tout ce que son pays pouvait sortir musicalement... Peut être que, justement, la politique affichée l'a fait renier ce groupe ?... j'ose l'imaginer.
En tt cas merci, formidable découverte.
Merci Pascal pour ce commentaire didactique et passionnant.
RépondreSupprimerJe pensais me faire plaisir en créant un blog musical, partager car j'adore cela, me motiver à découvrir et fouiller l'espace magique de la musique, mais pas à susciter de l'intérêt ou de l'émotion comme cela. Je suis ému.
Merci à vous tous.
Il devrait y avoir une logique de partage et de respect dans la petite blogosphère musicale en France.
SupprimerDes opinions, certes et c'est logique.
Des justifications de sensibilités, on apprécie ou pas tel ou telle artiste, album, titre.
Peu importe en fait.
Cela - de fait - peut apporter des débats constructifs, de mises à plat d'idées et de relativisme, selon, justement les ressentis personnels.
Chez toi, l'axe engagé suscite cela, car même quand tu es "perplexe" face à un sujet et qu'il te questionne, tu ne prends jamais l'axe destructeur, le fait de tirer à boulets en général rouges sur certaines musiques.
Tu laisses la place au débat et c'est parce que tu l'incites dans le, je le redis encore car c'est essentiel, respect.
C'est pour cela que je viens régulièrement chez toi, lire, prendre et découvrir, me souvenir aussi, (et commenter... car cela m'est parfois très difficile ailleurs les commentaires incitant immanquablement à des situations conflictuelles, alors si la musique devient conflictuelle, par les temps qui courent où la haine et le conflit sont devenus banalisés, je préfère me retirer, je ne fais pas, ne parle pas, etc, de musique pour reprendre cette infernale spirale qui nous pourrit tous au quotidien et qui s'attise d'elle même par des allumeurs de mèches ...), car ta présentation reste liée à ce plaisir du partage qui est immédiate dans ton blog.
Ici, on lit, s'intéresse et prend ce qu'on a envie de prendre. On commente ce qu'on a envie de commenter et si d'aventure au regard de tes nombreuses publications, on n'a pas de temps pour ce faire, on sait noter pour remettre à plus tard, se dire que, un jour, etc.
Que ce soit des rappels artistiques ou des pans de vie, cet axe rejoint quelque part, à ta façon, celui que j'avais engagé il y a tant d'années dans mon premier blog que je ne peux m'en souvenir, tant c'est "vieux".
L'art et plus spécifiquement ici la musique est lié à nos vies, en semblant indissociable et dans la vie on préfère se souvenir et aimer - surtout à nos âges - que détruire en étant chargé d'aigreurs non constructives.
Et partager ce qu'on aime, comme des réunions, repas et autres moments privilégiés entre potes, amis, famille, avec les mêmes centres d'intérêt, les mêmes relations avec le beau, les mêmes passions aussi.
Virtuellement comme ici, ou réellement comme cela m'arrive souvent avec les amis musiciens avec lesquels je travaille (et là l'amitié a autant de place que la musique, si ce n'est bien plus, car de celle ci découle la musique et la relation de partage est d'autant plus forte) ou mes enfants, tous férus de musique et encore quelques amis forcément rarement éloignés de la culture musicale, ce qui compte c'est le point commun du partage et du respect, du débat d'idées dans l'écoute et le constructif. Pour ça il faut savoir l'inciter.
Et ici, cet incitatif est éminent.
Alors ces retours sont logiques.
Tu en est l'initiateur.
Et merci.