vendredi 19 septembre 2025

Les nouveaux classiques

Disque indispensable ?

Choisir dans sa discothèque un album moderne qui me semble incontournable, que j'achèterai si je le perdais, dont la possession du vinyle est impérative : voilà ma définition d'un nouveau classique.

Doit-il être parfait ? Non bien sûr et presque au contraire. 

Comme dit Kant, il faut dissocier la norme éducative et sociétale du beau, de sa propre esthétique avec la sensation de plaisir, pour aboutir à un sentiment d'un beau libre et personnel. 

"Le verbe "Aimer" est le plus compliqué de la langue, son passé n'est jamais simple, son présent n'est qu'imparfait et son futur conditionnel" Jean Cocteau. 

 

Je commence par le disque à la vache car il m'a accompagné dans mes premiers achats.

Pink Floyd : Atom Hearth Mother 

Paru en octobre 1970, chez Harvest, c'est le premier disque d'or des Pink Floyd.

Caractérisé par cette pochette étrange signée Hipgnosis.


 

La vache , une Holstein, s'appelait Lulubelle III. C'est Storm Thogerson qui a pris le cliché, le Floyd ayant évoqué une pochette "simple et terrienne", et c'est surtout l'absence du nom du groupe sur la pochette qui a enthousiasmé David Gilmour.

Le nom de l'album a été trouvé par Ron Geesin, qui avait lu un article parlant d'une femme enceinte porteuse d'un pace maker alimenté par une pile atomique "Atom Earth Mother".

 

C'est le premier album au monde enregistré en Quadriphonie avec Alan Parsons à la console. 

Les Floyd  reviennent à Londres après l'expérience pénible et peu convaincante de Zabriskie Point, portant encore pour le public les espoirs progressifs de la folie créatrice d' Ummagumma.


Ce cinquième album studio est un album de transition, une évolution mais ils ne savent vers ou ! 

Deux anecdotes importantes :

Le refus du Floyd en 71 pour que Kubrick utilise leur album pour la musique d'Orange Mécanique !

D'autre part, la faible satisfaction envers cet album,  Gimour dira "un patchwork confus" ou encore "notre pire album, c'est de la merde" et Nick Mason lui "Bonne idée, mais peut mieux faire".

 

Cet album mythique  débute par ce long morceau qui prend toute la face A, plus de 23 minutes. 

C'était devenu dans l'air du temps ces longs morceaux et cette fusion avec la musique classique.

  • Les Moody Blues avec Day Of The Future Past 
  • Le Concerto pour Groupe et orchestre de Deep Purple 

Cette suite orchestrale inhabituelle est possible par la collaboration de Ron Geesin, musique "classique et contemporaine" qui permet l'introduction des cuivres et qui choisit des choeurs (avec John Alldis), plutôt que de classiques cordes, le tout dans un mode onirique et aussi psychédélique. 


Mais Ron leur apprend aussi la technique d'enregistrement, faire des boucles d'écho sur magnétophones. 

Revenons au contenu de cet album : 


 

C'est Nick Mason et Roger Waters sont à la composition et donnent le tempo fluctuant de ce premier titre.

1) Atom Hearth Mother l est composé de six mouvements. 

Father's Shout :

Quelle intro, cet orgue puis la confusion des cuivres d'où sort le thème principal joué par les cors. Une truculente  progression Wagnerienne pendant laquelle le Floyd se met à jouer à l'unisson.

L'accalmie s'accompagne de l'influence de la musique concrète avec le collage de sons,  chevaux, motos et pour finir une reprise cuivrée avant la transition romantique.

Breast Milky

Le deuxième thème est abordé par le violoncelle ( Haflidi Hallgrimsson) juste souligné par l'orgue, en lente progression puis l'arrivée de la guitare slide, précédant la reprise cuivrée avec à la fin la première intervention des choeurs. 

Mother Fore

Après la douce transition à l'orgue, apparaissent basse puis batterie pour souligner le lyrisme des choeurs. Partie planante juste modulée par l'intensité de la basse et de la batterie.

Funky Dung

Transition à l'orgue pour une changement de ton, basse profonde, solo de guitare bluesy, qui disparaît au profit du choeur chuchoté tout en onomatopées dépourvues de sens, qui finit dans la reprise cuivrée du thème principal.

Mind Your Throat Please

Richard Wright déclenche le chaos avec son Mellotron, utilisant une bande pré enregistrée qu'il passe parfois à l'envers, où avec son piano couplé Leslie. Le passage dans le tunnel sonore fait la transition. 

Remergence 

Par collages successifs de bribes précédentes, on retrouve le thème interrompu par un "Silence in the Studio' par la voix déformée de Nick Mason dans le canal gauche, puis une reprise par le Floyd, le violoncelle, les cuivres, des deux thèmes pour terminer avec un final flamboyant avec les choeurs.

La deuxième face est différente, plus pop, sans doute du remplissage après la pièce principale.

2 "If"

Composition de Roger Waters dans l'esthétique d'un Léonard Cohen, petits arpèges, efficace et sans doute annonciateur de "Meedle". Il verbalise son caractère de mauvais mari "Si j'étais un homme meilleur, je parlerais avec toi plus souvent " et se compare à un train toujours en retard.

3 "Summer '68" 

Une petite histoire de flirt avec une groupie par Richard Wright qui offre un joli morceau au piano, d'abord dans un style sixtie San Francico puis plus jazzy, pour finir enrobé des cuivres rappelant la face A. 

4 "Fat Old Sun" 

Morceau ou Gimour bucolique est omniprésent , cela commence doucement et se termine dans un final presque grunge. 

5 "Alan's Psychédelic Breakfast"  

Où le petit déjeuner de leur roadie préféré (Alan Styles), déjà présent sur la pochette d'Ummagumma, morceau  (humoristique ?) en trois tableaux

Rise And Shine

Sunny Side Up

Morning Glory

 

Atom Hearth Mother ne sera logiquement que peu joué en public.
 

Pour les détracteurs, un album grandiloquent, bancal, avec du remplissage, qui ne vient pas à la cheville de "Meddle". 

Pour moi et les admirateurs, un grand souvenir, une oeuvre pivot, un vrai premier album loin de Syd Barrett, l'apparition du rock symphonique. 

Et inutile d'essayer de me faire changer d'avis!

Pink Floyd : Atom Heart Mother / 1970 

 (Redigital Master 1994)


  1. Atom Hearth Mother
  2. If
  3. Summer '68
  4. Fat Old Sun
  5. Alan' Psychédelic Breakfast

Un petit lien bien inutile ?

 

Sorgual 

10 commentaires:

  1. Joli papier qui va rejoindre mon dossier. Et souvenir pour moi, contrairement à Kubrick j'ai pu obtenir les droits pour un spectacle de marionnette en famille, j'avais 13/14 ans caché derrière des lits gigognes qui me servaient de théâtre. Une sombre histoire de chevalerie qui tenter de suivre les différents mouvements. Mon public trois petits cousins cousines...

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  2. Eh dis-donc, on est quasi raccord sur le truc. Sauf juste que pour moi, je mets "Medle" avec. Ma petite lâcheté à moi. Pour éviter de choisir, je balance mon argument chien de dire que c'est un double album mythique. Atom/Medle..même combat. Sinon, joli la phrase de Cocteau.

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  3. Je reviens, pour rien dire en fait, sinon que je réfléchis encore à ta définition des nouveaux "classiques". Je cherche une définition qui recouperait des œuvres dîtes de "prog" qui me semble être proche de la même ambition que la musique contemporaine. PS: voir ou revoir sur ARTE (si encore là) la genèse de ATOM, un fusion ratée du point de vue musiciens il semble

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  4. Pas facile la définition et je me suis trituré le cerveau pour trouver cette formulation qui est celle de l'indispensable, qu'elle qu'en soit la raison ou la simple émotion.
    PS : j'avais vu ce reportage ...

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  5. Messieurs, on dirait que vous avez un problème avec l'orthographe de MEDDLE. Moi aussi, c'est par cet album, acquis par mon grand frère (très utiles les grands frères) que je me suis initié à l'univers de ce groupe. Je vois AHM, longtemps inconnu à mes oreilles, comme une transition entre le psychédélisme bien achevé et le space rock à venir, mais peut-être me trompe-je. Album mal aimé, donc forcément intéressant à écouter et réécouter. Merci Sorgual !

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  6. Atom...
    Pour les élèves passant le bac avec option musique, la face A de l'album était à étudier et analyser il y a qq années ... (depuis y'a tj un titre rock et un titre jazz dans les épreuves bac option musique - AHM a été, je crois le premier, à moins que ce ne soit le Hendrix are you experienced ?, bref, ça commence à être loin tt ça pour moi... :)
    J'ai donc vu débarquer dans mes cours de culture musicale musiques actuelles et jazz un nombre pour une fois insensé d'élèves envoyés par mes collègues du "classique", absolument largués par ce truc bizzaroïde et frémissants d'angoisses à l'idée de faire écouter, en particulier la partie avec choeurs en onomatopées, alors que, par exemple le rapport direct avec les choeurs du Daphnis et Chloé de Ravel ou des Sirènes de Debussy pouvait se faire sans difficulés, cette idée d'utiliser les voix avec juste leurs textures sonores en place de texte, afin de créer une dimension instrumentale, donc orchestrale n'est pas nouvelle...
    Il fallait juste un groupe tel que le Floyd pour expérimenter l'idée qui à chaque fois que je l'écoute me produit cet effet de coup de génie en poker avant gardiste pour du rock...

    J'ai acheté cet album bien après sa sortie en même temps que Meddle, histoire d'avoir deux Floyd, et forcément comme à l'époque quand tu "investissais" dans un disque t'avais fait un choix, donc fallait l'assumer et même si tes oreilles, à la première écoute, reliées au cerveau plein de questionnements te demandaient pourquoi t'avais mis tes économies de tirelire dans un truc pareil, tu finisais non par zapper comme on le fait aujourd'hui sans approfondir avec le "j'aimeu... pas" de base, mais par - à force d'écoutes - t'habituer, pour finalement aimer et adopter définitivement l'album.

    Avec celui ci, la face A mais aussi le Breakfast, ont été le sujet de nombreuses écoutes jusqu'à un réel par coeur du disque.
    Meddle, idem...
    J'en connais certainement chaque recoin et détails mais à chaque écoute, j'essaie encore avec toujours le même plaisir, de trouver encore plus loin de quoi attiser la curiosité. C'était bien le génie de ces chercheurs musicaux de cette époque, être curieux eux mêmes, essayer, oser et nous rendre nous aussi curieux et nous intéresser, peut être bien nous rendre moins concons.

    Si tu as aimé ce moment absolument inédit et rare avec les choeurs je te recommande, côté jazz, un album de George Russell, "Listen to The Silence", sorti en 71 basé sur une idée identique avec Garbarek, Rypdal, Andersen, Christensen, Stanton Davis et Bobo Stenson que l'arrangeur a débauché de chez ECM naissant pour une oeuvre tant étrange que là encore, unique... avec le choeur du Conservatoire de musique d'Oslo.
    Et bien sûr l'hypnotique "Einstein on The Beach" de Philipp Glass, ces deux albums ont été la continuité, pour mes écoutes un fois revenu dans AHM, pour suivre ce chemin de choeurs en onomatopées...
    Il y a eu, par la suite, plein d'oeuvres basées sur ce concept, ça a fait ... boule de neige.
    Merci

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  7. Extra, un de mes Floyd préférés, la face 2 est un brin en dessous, mais la 1 est tellement fantastique. Très intéressants tes commentaires sur chaque mouvement du morceau titre, je ne l'ai jamais écouté en prêtant une attention spécifique aux changements de sections, je vais le faire.

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