lundi 18 août 2025

Entre Deux Etapes

Transition ou bifurcation ?

Strict en pantalon noir et chemise couleur poudre de cocaïne, cheveux tirés blonds aux reflets roses , amaigri, il est seul au centre de la scène minimaliste, peu de musiciens, spots de lumière blanche sur lui, il débute la tournée du nouvel album à Vancouver ce deux février 1976. 

 

Un spectacle en sobriété qui contraste avec ses précédentes performances scénique. 

Il dira je me suis inspiré de l'image des Cabarets Allemands, du personnage de Buster Keaton, des photographies de Man Ray.


 

Mais a t'il le choix de cette sobriété ?; en situation morale et financière déplorable, plumé par son manager précédent Tony Defries. 

Station To Station n'est pas seulement un album de transition, juste avant l'intérêt collectif pour sa grandiose trilogie Berlinoise. Ce n'est pas non plus une suite à Young Americans.


 

Cet album parfois négligé est le fruit d'un contexte particulier

Los Angeles y joue un rôle, il s'y établit à Stone Canyon Road après avoir rencontré et habité chez Glenn Hugues (bassiste chanteur de Deep Purple), et promu son avocat Michael Lippman en fugace manager. 

 

La Cocaïne est au centre du jeu, point commun avec ses amis Glenn Hughes, Iggy Pop, Ron Wood et Keith Moon, tous sur place et s'entraidant à la composition lors de boeufs improvisés où participant à leurs enregistrements respectifs ... Elle est fournie par Fredie Sessler (celui que Keith Richards appelle son deuxième père), dans d' anonymes petites bouteilles de lait.


 

Les dérives de Bowie vers l'ésotérisme et l'occultisme sont à leur paroxysme, mais elles le hantent depuis le début des années 70, où il citait déjà le gourou Aleister Crowley. 


 

Dedans s'intègre cette notion de concept du surhomme, développée aussi par Nietzsche, qui le conduira à sa fascination pour le nazisme, au salut bras tendu en Angleterre, à sa fameuse visite du bunker d'Adolf Hitler, à la saisie par le KGB de livres sur Goebbles (il envisageait un film sur lui) lors d'un voyage avec Iggy Pop à Moscou ;  et la cabale dans la presse qu'il éteindra avec maestria. 

 

Psychologiquement il est détruit, seul (Angie a pris ses distances), se cloître en se disant victime de manifestations diaboliques, fait exorciser sa piscine, il sombre dans un dépression paranoïde

On se demande comment il a réussi à jouer la comédie dans son premier grand rôle au Cinéma, celui  de Thomas Jerome Newtown dans le film "L' Homme Qui Venait D Ailleurs" de Nick Roeg

Certes il joue un personnage anxieux et fragile, décalé, en quête, qui lui ressemble ; mais sa performance est réelle. Il dira plus tard s'être identifié à son demi frère hospitalisé pour sa schizophrénie, "un truc de famille" dira Bowie.

 

Composer la musique du film le remet à l'étrier, et l'obsède, gênant la composition de son futur album, pour une bande originale qui n'aboutira jamais avec lui !

 


Il enregistre finalement son propre album Station To Station au Cherokee Studios , à l'automne 75, sous la pression de RCA. Il ne participe même pas au mixage de l'album, mais le fera pour la réédition de 2010.

Le groupe est composé de  :

  • David Bowie : chant ,guitare, saxophone, claviers, percussions.
  • Carlos Alomar : guitares
  • Earl Slick : guitares
  • George Murray : basse 
  • Roy Bittan : piano
  • Dennis Davis et Warren Peace : percusssions
  • Harry Maslin : effets sonores 

Puis il fait le vide, se sépare de son manager, de ses musiciens, renoue avec Angie avec qui le seuil de rupture est proche pour partir et s'exiler en Suisse


 

Il recompose (et se recompose) un groupe pour la tournée.

Petit bonus cette interview française par Yves Mourousi en 77.

L'album est spécial, à part, et mérite une analyse.

1 ) On débute par ce "Station To Station "interminable avec cette grande introduction qui est un hommage au "Motorik Beat" du Krautrock qu'il écoutait en boucle au fond  de son trou en 75. 

Il a le génie de ralentir le rythme joué par des musiciens noirs bercés au rock, puis vient le chant incantatoire, et un retour du nouveau personnage le "Thin White Duke"avec un côté très britannique, un exorcisme de cette encombrante et néfaste Amérique. 

Il chante :

  • Ce ne sont pas les effets secondaires de la cocaïne
  • Je pense que cela doit être l'amour
  • Il est trop tard pour être reconnaissant
  • Il est trop tard pour être encore en retard
  • Il est trop tard pour être empli de haine
  • Le canon Européen est là 

2) "Golden Years" est d'apparence simple, mais déstructuré par la complexité des harmoniques des choeurs enregistrés sur des micros différents (pour épaissir le son), et ses digressions vocales en haute tessiture, ce cri "Angel" que Angie dira qu'il lui était dédié. 

Et cela est probable, cet appel à la vie normale, à se relever, à sauver son âme, à se laisser aller à l'amour, à retrouver son "bébé"

3 ) "Word On A Ring" est une ballade, mais qui est en fait une prière incantatoire écrite à l'époque où il ne savait pas comment se sortir de son mal être, de sa dépendance à la cocaïne, hanté par des idées terribles et paranoïaques. 

C'est une supplique martelée par les incisifs accords du piano.

4) "TVC 15" est un faux blues rock ralenti qui raconte un rêve étrange d' Iggy Pop qui avait déliré sur l' image de sa petite amie avalée  par le poste de télévision. C'est aussi un clin d'oeil à son personnage dans le film de Nick Roeg, souvent entourés d'écrans, peut être en partie un recyclage des mélodies envisagées pour la musique de ce film

5) "Stay" est un morceau de pur funk né de ce riff soufflé par Bowie  à Earl Slick. 

On retrouve la veine de l'album précédent ou de Fame, mais cette fois ci en parfait équilibre. 

Paroles un peu mystérieuses, peur de la solitude, de la rechute à la dépendance ? 

En tout cas le jeu de guitare est splendide et les breaks légendaires.

6) "Wild Is The Wind", sans doute l'une des plus belles performances vocales de Bowie, peut être juste dépassée en émotion sur le Live at Beeb (1976) qui suivra. 

Il s'est inspiré de la version de Nina Simone (1959). 

Il s'accroche à la vie, à l'amour. Une renaissance Berlinoise s'annonce dominée par la musique et non plus la chanson (Low).

A postériori , Bowie  a dit que Station To Station n'évoquait pas pour lui l'idée d'un voyage, d'un nouveau départ, mais plutôt l'image du Chemin De Croix (Sic).

 J'ai beaucoup lu sur Bowie , mais le livre le mieux ficelé et documenté, bien que peu fourni en photographies, me semble être celui de Jerôme Soligny, à recommander. 

 

David Bowie : Station To  Station / 1976

 


 

  1. Station To Station
  2. Golden Years
  3. Word On A Ring 
  4. TVC 15
  5. Stay
  6. Wild Is The Wind

 

Un petit lien ?

 

Sorgual 


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